C'est l'interprète inoubliable de l'Embarquement pour Cythère; c'est aussi le fondateur d'une nombreuse lignée de bons artistes, qui se ramifie par alliances avec quantité de graveurs et de peintres du XVlIIe siècle, les Baron, les Hortemels, les Cochin, les Belle, les Du Vivier, etc., et se prolonge jusqu'au milieu du XIXe, avec Pieire-Alexandre Tardieu, mort en 1844, élève de Wille et l’un des meilleurs graveurs modernes.
Né le 18 janvier 1674, à Paris, et mis en apprentissage par son père, maître chaudronnier, d'abord chez Le Pautre, puis chez Gérard et Benoît Audran, Nicolas Henri Tardieu reçut une forte discipline, en même temps qu'il s'initia à la technique si remarquablement employée par G. Audran, à cet art de préparer les planches à l'eau-forte et de les terminer à l'aide d'un travail très librement exécuté au burin qui leur laisse toute leur couleur et tout leur accent. On sait à quel degré la peinture de Watteau, encore dans sa nouveauté quand Tardieu commença de produire, s'accommodait de ce procédé d'interprétation : l'artiste compte parmi les tout premiers graveurs du maître, non pas seulement au point de vue chronologique avec la pièce «Heureux âge, âge d'or ...», une des plus anciennes estampes reproduisant des peintures de Watteau, mais aussi au point de vue du nombre et de la qualité des morceaux comme le Plaisir pastoral, les Champs-Élysées, la proposition embarrassante, «Assis auprès de toi...» (Portraits de Jullienne jouant de la basse de viole auprès de Watteau peignant) et surtout l'Embarquement pour Cythère, sont de ceux qui font le plus d'honneur au Recueil Jullienne. Tardieu a aussi gravé quantité de maîtres anciens et des œuvres de Le Brun, Ant. Coypel, Lancret, Cazes, etc.; on lui doit aussi quelques portraits.
«Cet artiste, a écrit C. N. Cochin dans une note rédigée vers 1775, eut part aux travaux considérables qui se sont faits de son tems : tels furent le grand ouvrage du sacre de Louis XV qui fut gravé pour le roy, la galerie de Versailles de l'histoire de Louis XIV, etc... Il travailla jusqu'au dernier moment de sa vie avec une assiduité et une promptitude qui ont peu d'exemples...»
Agréé le 29 octobre 1712, académicien le 29 novembre 1720, il mourut à Paris le 27 janvier 1749.
Il avait formé trois remarquables élèves: Bernard Baron, fils de sa première femme, Laurent Cars et J. Ph. Le Bas, sans parler de son propre fils Jacques-Nicolas (1716-1791), qui fut le digne héritier de son talent et le continuateur de son oeuvre. On trouvera, dans la notice
d'Alexandre Tardieu sur les Tardieu, les Cochin et les Belle, tous renseignements utiles sur cette belle dynastie d'artistes. .