DEBUCOURT    Philibert Louis
(1755-1832)

Né à Paris le 13 février 1755, élève de Vien à l'Académie (1774), Debucourt, agréé le 28 janvier 1781, débuta comme peintre au Salon de cette année et continua d'exposer, en 1783 et 1785, des petits sujets «dans le genre des Flamands», à côté de saynètes dans le goût de Lavreince et de Baudouin.
Ensuite, il disparaît des Salons jusqu'en 1810, mais pour se révéler sous un jour nouveau: après quelques essais de gravure qui remontent à 1781, il donne en 1785 les premières de ces estampes en couleurs qui ont fait sa gloire, gravant ses propres compositions et atteignant presque du premier coup à la perfection. Dès 1786, avec le Menuet de la mariée, il est maître de son procédé favori, qui est celui de Janinet et de Descourtis: la gravure en couleurs à plusieurs planches repérées. De 1787, datent ces pièces légères ou galantes qui s'appellent l'Oiseau ranimé, Heur et malheur ou la Cruche cassée, l'Escalade ou les Adieux du matin, ou bien des scènes familiales comme le Compliment ou la Matinée du jour de l'an, qui aura pour pendant les Bouquets ou la Fête de la grand’ rnaman. Enfin, en 1787 et en 1792, il met au jour deux étonnantes estampes de moeurs, aussi remarquables par l'acuité de l'observation que par la maîtrise de l'interprétation et la perfection du tirage: la Promenade de la Galerie du Palais Royal et la Promenade publique. Parallèlement à ces divers sujets, il donne quelques portraits, exploite quelques thèmes révolutionnaires, et quand s'achève le XVllIe  siècle, son oeuvre compte 64 pièces originales.
Dès lors, sa production se transforme du tout au tout: ce peintre-graveur, virtuose de tous les procédés connus, et lui-même inventeur de nouvelles techniques, se fait graveur de reproduction, et si laborieux, si fécond, que lorsqu'il meurt, le 22 septembre 1832, son oeuvre, inégal quant à l'intérêt des sujets mais toujours irréprochable quant à l'exécution, son oeuvre ne compte pas moins de 558 numéros.


La Fayette.

M. Le Mis de La Fayette,

commandant général de la Garde Nationale...
Peint et gravé par P. L. de Bucourt... 1790.
H. 0,537 x L. 0,405.  
Gravure en manière noire.   Épreuve avant la lettre.  
M. Fenaille, n° 23.

Cette estampe était dédiée Aux Soldats citoyens.
La Gazette nationale du 25 mars 1790 l'annonce, et le numéro du 9 avril ajoute: « L'auteur est le premier qui ait exécuté en France une gravure en manière noire connue sous le nom de manière anglaise, il a parfaitement réussi dans la ressemblance...»
Debucourt était seulement le premier qui de son temps fût revenu à un procédé pratiqué en France au début du XVIIIe siècle, puis à peu près abandonné. Le portrait de La Fayette est le premier qu'il exécuta dans cette manière. La planche pouvait également donner des épreuves en couleurs par l'encrage à la poupée.
Si, comme l'assure la Gazette nationale, l'artiste a parfaitement saisi la « ressemblance » avec le modèle, c'est une nouvelle preuve après bien d'autres, que, chez le héros de la guerre d'Amérique, c'était l'âme surtout qui était belle.


 Le Menuet de la mariée.
Gravé en couleurs par lui-même.
H. 0,307 x L. 0,233.
M. Fenaille, n° 8

Les 16 octobre et 2 décembre 1786, le Journal de Paris et le Mercure annonçaient l'apparition du Menuet de la mariée, une gravure originale en couleurs de Debucourt, imitant une peinture à l'huile : d'après les deux gazettes, elle doit faire pendant à la Noce de village de Taunay et Descourtis, publiée l'année précédente; elle était vendue au même prix que cette dernière.
Mais quand, en 1789, Debucourt aura fait paraître la Noce au château, c'est cette pièce nouvelle qui servira désormais de pendant au Menuet de la marée. On trouvera par ailleurs le résumé de la carrière de Debucourt, mais il est permis d'insister sur cette particularité que le Menuet de la mariée, ou l'artiste atteint déjà la perfection, est seulement la quatrième pièce qu'il ait obtenue en usant du procédé de tirage par quatre planches repérées, procédé dont il a été parlé plus haut à propos de Janinet.


Promenade de la Galerie du Palais-Royal.
Gravé en couleurs par lui-même.
H. 0,285 x L. 0,552 (sans le trait d'encadrement).
M. Fenaille, n° 11.

Cette grande page en couleurs, non signée, datée de 1787, fut annoncée au Mercure du 30 juin de cette même année, comme mise en vente au prix de 12 livres chez l'auteur: « Cette estampe du genre grotesque, disait la gazette, a du piquant et de l'originalité. Les figures en sont nombreuses, variées et divertissantes ».
Debucourt s'affirmait là comme un peintre de mœurs extrêmement original, en même temps que comme un graveur accompli: son étonnante composition, qui ne sera guère dépassée que par la Promenade publique, compte parmi les documents d'une époque et sa planche parmi les chefs- d'œuvre de l'estampe en couleurs imitant l'aquarelle.
La scène se passe aux galeries du Palais-Royal, alors le rendez-vous, ou, comme on disait, la capitale du Tout-Paris. Ici, « c'est le promenoir en bois, avec ses pilastres, ses arcades cintrées, ses réverbères fleurdelisés, les petits carreaux des cintres laissant passer le bleu du ciel, et, au-dessous, de feintes draperies rouges aux crépines dorées retombant sur des châssis de vitres. Là-dedans, des boutiques de toutes sortes... Devant les boutiques, c'est ce qu'on appelait la « bigarrure du Palais-Royal » : le chevalier de Saint-Louis à côté du jeune officier, le clerc tonsuré auprès du commis, les quadrilles de familles provinciales et les vieux libertins à lorgnon, l'homme du bel air et le tout neuf débarqué de la turgotine, tous les allants et venants de ce grand passage de l'étranger et de la France, des personnages ridicules, des figures hétéroclites, de ces caricatures qu'attrape et qu'affectionne le crayon du dessinateur ...Des femmes passent dans tout cela, à travers tous ces hommes, avec des regards quêteurs, des provocations, des mots qu'elles jettent, la bouche entr'ouverte, aux passants, des signes du doigt qui sont une menace ou un appel, des attaques qu'elles lancent avec un coup d'éventail, des rires qu'elles étouffent dans la fourrure de leurs manchons blancs de poil de mouton de Sibérie... ».


La Promenade publique.
Gravé en couleurs par lui-même.
H. 0,373 x L. 607.
Épreuve du 2e état, avec les signatures, mais avant tout le reste de la lettre. M. Fenaille, n° 33.

Debucourt a-t-il voulu faire en 1792, pour la Promenade de la Galerie du Palais Royal, ce qu'il avait fait en 1789 pour le Menuet de la mariée, et, de même qu'il avait remplacé par la Noce au château, la Noce de village de Taunay et Descourtis qu'on donnait pour pendant au Menuet, substituer une pièce de son cru à la composition de Desrais et Le Cœur ? C'est bien probable.
Quoi qu'il en soit, l'estampe de la Promenade publique, datée de 1792, mais dont on ne trouve pas mention dans les gazettes, c'est encore au Palais-Royal qu'elle nous ramène.
« Bien des choses s'y sont passées depuis 1787. Les maisons de jeu y ont apporté leur fièvre, leur folie, l'argent qui roule à la débauche. Le Cirque s'est élevé sur le miroir du gazon; on le voit dans le fond avec ses pilastres et ses jardins suspendus, ses vasques et ses jets d'eau. ..L'allée de marronniers fourmille de monde, et jusque sous les ombrages du fond, on aperçoit une presse de promeneurs, des groupes mêlés d'où se détachent des perruques de robin et des calottes d'abbé. Au premier plan, les petits maîtres en catogan font la roue dans leur haut collet noir, dans leur cravate de mousseline à trois tours, dans leur frac collant de casimir écarlate, envoient des baisers du bout des doigts, comme celui-ci qui est le duc de Chartres, ou bien regardent en souriant comme celui-là, en habit d'amour, en frac rose, en culotte rose, un éventail à la main, si indolemment allongé sur quatre chaises... Les nouvellistes, autour d'une table, écoutent un habitué de l'assemblée militaire. Veste rouge et la serviette sous le bras, un petit garçon du café de Foy apporte deux glaces sur un plateau.
« Tout le Palais-Royal est là, le Palais-Royal des six cent trente-trois filles: le sérail est lâché. Les femmes entretenues, les courtisanes, les filles, lasses de fredonner en se balançant sur une chaise à l'écart, défilent une à une, deux à deux, trois à trois. ..».
Debucourt a rendu à merveille le mouvement de cette foule bariolée, et le procédé qu'il emploie n'a jamais rien produit de plus achevé que cette grande estampe dont les couleurs limpides et transparentes revêtent un solide trait d'eau-forte et un modelé délicat, obtenu par le travail aux outils. Mais, par quel miracle, sans apparence de travail ni d'effort, Debucourt obtient-il cette transparence de la couleur, ce chatoiement de teintes claires ou le blanc pur pique sa note vibrante comme un petit rehaut de gouache, cette lumière harmonieuse et partout répandue qui donne au tableau son relief et sa profondeur ? C'est le secret du virtuose. Quand on songe que pour arriver à ce résultat, il était nécessaire à l'artiste de graver entièrement quatre fois la composition, et que chacun des cuivres mesure 0,37 de haut sur 0,60 de large; qu'il fallait tirer, en les superposant rigoureusement, les planches encrées, dans l'ordre, de jaune, de rouge, de bleu et de noir pour finir, on est émerveillé de la réussite et l'on ne s'étonne plus que de pareilles choses, devenues rarissimes, soient disputées à prix d'or par les amateurs.


"Le compliment"
ou la matinée du jour de l'an.
Dédié aux Pères de famille.

"Les bouquets"
ou la Fête de la Grand maman
Dédié aux mères de familles.

 Le Compliment, ou La Matinée du jour de l'an. 
Les Bouquets, ou la Fête de la grand-maman.
Gravé en couleurs par lui-même.
Dimensions respectives: H. 0.300 x L. 0,252; H. 0,300 x L. 0,250.
M. Fenaille, nos 15 et 16.

Dans ces deux pendants, de forme ovale en hauteur, Debucourt aborde un tout autre genre que dans ses pièces précédentes: il abandonne les tableaux de mœurs de grande envergure, comme ceux dont on vient de parler, et les galanteries dans le goût de Baudouin et de Lavreince, telles que l'Oiseau ranimé, Heur et malheur ou la Cruche cassée, l'Escalade ou les Adieux du matin, etc., pour les scènes familiales.
Le Compliment, ou la Matinée du jour de l'an, daté de 1787 et dédié aux Pères de famille, parut le 29 décembre de cette année: le Journal de Paris et le Mercure, en annonçant la pièce comme mise en vente au prix de 6 livres, insistent sur le talent de l'auteur et ajoutent que cette estampe plaira particulièrement au public, « surtout dans la circonstance du moment ».
Les Bouquets, datés 1788 et dédiés aux Mères de familles, furent annoncés au Mercure du 4 octobre de la même année; la pièce se vendait le même prix que la précédente.
Rien à dire sur le procédé qui ne l'ait été précédemment: il s'agit toujours ici de gravures à quatre planches repérées, technique couramment employée par Debucourt pendant la belle période de sa production. C'est seulement à partir de la fin du siècle qu'on le voit utiliser le procédé plus expéditif, mais aussi moins parfait, du tirage en c9uleurs « à la poupée », qui ne nécessitait que la gravure d'une seule planche.

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