CARS   Laurent
(1699-1771)

Fils de Jean-François Cars, un graveur lyonnais spécialiste en portraits, Laurent Cars naquit à Lyon le 28 mai 1699. Son père étant venu se fixer à Paris au début du XVllle siècle, pour y exploiter un fonds de gravures de thèses tout en continuant à publier des portraits, le jeune homme fut d'abord destiné à la peinture; mais il y renonça vite, entra dans l'atelier de son père, travailla auprès du graveur N. H. Tardieu et du peintre François Le Moyne et débuta brillamment avec une estampe d'après ce dernier, Hercule filant aux pieds d'Omphale (1727). Il y montrait une habileté, une souplesse et une liberté de technique exceptionnelles. Ces qualités, jointes à une intelligence remarquable du modèle, devaient faire de lui un des meilleurs traducteurs des peintres de son temps, de François Le Moyne, en particulier, dont il a été l'interprète attitré; de Watteau dont il a gravé des dessins et des peintures et qui lui a fourni l'occasion d'un de ses chefs-d'oeuvre avec Fêtes vénitiennes, une des plus parfaites estampes d'après le maître des «fêtes galantes»; de J. F. de Troy (Bethsabée), de Chardin (la Serinette,) de Greuze, etc. Bien que ce ne soit pas de notre domaine, on ne peut oublier que Laurent Cars fut aussi graveur d'histoire, graveur de portraits (Mlle Camargo dansant, d'après Lancret; Mlle Clairon dans le rôle de Médée, d'après Carle Vanloo), graveur d'illustrations enfin, avec les larges et spirituelles traductions des 32 compositions de Boucher pour le Molière de 1734 et des figures d'Oudry pour les Fables de La Fontaine de 1755.
Agréé à l'Académie le 26 février 1729, académicien le 31 décembre 1733, Laurent Cars mourut à Paris le 14 avril 1771, laissant un oeuvre peu nombreux, mais d'une rare tenue d'ensemble, et ayant formé quantité d'excellents élèves: entre autres, Flipart, Beauvarlet, Augustin de Saint-Aubin.
Caractérisant sa manière et précisant son influence, Lévesque l'a très bien jugé quand il a écrit de Laurent Cars, dans le Dictionnaire des arts de Watelet : «Il mit dans ses ouvrages un goût qui n'était pas celui des graveurs du siècle précédent, qui peut-être ne lui doit pas être préféré, qui même n'aurait pas convenu aux tableaux que ces graveurs doivent rendre, mais qui fut inspiré à Cars par les gravures (sic pour les  peintures) de Le Moine. Les tableaux des grands maîtres d'Italie, ceux de Le Sueur, de Le Brun, de Mignard, avoient dans le faire une sorte d'austérité qui aurait été mal exprimée par l'aimable mollesse que Cars introduisit jusque dans les masses d'ombre...».


Mlle Camargo.

MI. Camargo...
Peint par N. Lancret.  Gravé par L. Cars. A Paris, chez L. Surugue  (1731).
H. 0,408 x L. 0,553.
3e état.    E. Bocher, Lancret, n° 17 et G. Wildenstein, Lancret, nos 582-586.

Le peintre de ce joli portrait fut l'un des premiers imitateurs de Watteau. Il a dû peindre Mlle Camargo en 1731, au plus tard car, dès 1731, le graveur obtenait un privilège pour la planche. En annonçant cette estampe, le Mercure de juillet 173 1 disait de l'artiste: « Il a si bien su saisir ce qu'un aussi excellent modèle a d'inimitable que jamais figure n'a paru plus dansante. »
Dans un article de La Revue de l'art ancien et moderne, paru en janvier 1909, M. E. Dacier a établi, à l'aide de la gravure de L. Cars, que la peinture originale, qui se trouvait en 1731 chez Leriget de La Faye et passa ensuite chez le prince de Carignan, ne pouvait être que le tableau aujourd'hui conservé à la Galerie Wallace à Londres. Les deux autres peintures analogues, celles de Nantes et de Petrograd, sont des répliques.
Marie-Anne de Cupis de Camargo, dite la Camargo (1710-1770), appartenait par ses parents à la fois à la petite noblesse d'Espagne et à celle d'Italie. Elle naquit à Bruxelles et vécut à Paris où, de 1726 à 1751, elle fut l'étoile des ballets de l'Opéra. Voltaire, comme tous les contemporains de la danseuse, partageait son admiration entre elle et sa célèbre rivale, Mlle Sallé (Voir le portrait suivant) ; on connaît la pièce de vers dans laquelle il a si joliment caractérisé le talent de chacune de ces deux actrices :

« Ah! Camargo, que vous êtes brillante !
Mais que Sallé, Grands Dieux, est ravissante !
Que vos pas sont légers et que les siens sont doux !
Elle est inimitable et vous êtes nouvelle ;
Les Nymphes sautent comme vous,
Mais les Grâces dansent comme elle.
La planche de Laurent Cars eut tant de succès qu'elle fut aussitôt contrefaite. Lancret poursuivit les faussaires et les fit condamner (Voir E. Dacier, Les Portraits gravés de la Camargo, Revue de l'art ancien et moderne, août 1911).

Prault.
P. Prault Typographus Parrisiensis.
Dessiné par N. Cochin; gravé par Lau. Cars. 1755.
H. 0,169 x L. 0,120.
Jombert, n° 320 (32)

Mme Chardin,
Fra. Marg. Pouget, femme de M. Chardin.
Peintre du Roy, Conseiller et Trésorier en son Académie.

Dessiné par N. Cochin, gravé par Lau. Cars 1755.
H. 0,171 x L. 0,120.
Jombert, n° 320 (28).

Prault était un imprimeur parisien dont une parente épousa Moreau le Jeune, et c'est peut-être à son intervention que l'on doit la collaboration de Moreau au « Monument du Costume ».
Cochin avait également dessiné le portrait du fils de cet imprimeur, L. Fr. Prault; ce dernier fut gravé par Cathelin en 1766.

Françoise-Marguerite Pouget, est la femme du grand peintre de la bourgeoisie française du XVIIIe siècle.
Son portrait fait pendant à celui de son mari, dessiné et gravé par les mêmes artistes.


 Figures de différents caractères.  
Sept planches gravées par Jean Audran, François Boucher, Benoît II Audran, Laurent Cars, Bernard Lépicié.
H. et L. respectives: 0,227 x 0,167; 0,224 x 0,159; 0,294 x 0,191; 0,206 x 0,318; 0,306 x 0,232; 0,170 x 0,122; 0,178 x 0,126.
E. de Goncourt, nos 526, 527, 719,425, 528, 499 et 500.

On connaît le procédé de composition habituel à Watteau. Au contraire de la généralité des peintres qui, partant d'un fait concret, d'une idée raisonnée, jettent sur le papier une esquisse d'ensemble et conduisent l'œuvre à bonne fin en reprenant chacune de ses parties, Watteau dessine sans objet défini, sans idée préconçue. Il accumule d'innombrables croquis, toujours pris sur le vif, des ensembles et des détails, des mouvements et des attitudes, des morceaux de paysages, etc., et quand il veut faire un tableau, il consulte ces feuilles d'études, qu'il appelait si justement ses « pensées », comme « un dictionnaire de nature composé à son seul usage » (L. de Fourcaud). Alors, une impression qui l'a traversé, un rêve que son imagination a bercé un instant, se dégagent et prennent vie; il choisit, dit Caylus, les figures qui lui conviennent le mieux pour le moment et il en forme des groupes, « le plus souvent en conséquence d'un fonds de paysage qu'il a conçu ou préparé ».
Ainsi, même s'ils n'étaient pas de parfaites œuvres d'art, ces dessins de Watteau, à la fois évocateurs et documentaires pour le peintre, nous seraient déjà doublement précieux. Or, le souvenir d'un bon nombre d'entre eux, en partie perdus aujourd'hui nous a été conservé grâce aux Figures de différents caractères.
Peu de temps après la mort de Watteau (18 juillet 172 I), son ami Jean de Jullienne, ayant formé le dessein de faire graver son œuvre, commença par donner à reproduire des études d'après nature, sans doute celles qu'il avait reçues en legs de Watteau mourant. Il fit paraître, en novembre 1726 et en février 1728, deux volumes in-folio, contenant 351 planches, précédées d'un avertissement et d'une notice biographique. Ces deux volumes, intitulés Figures de différents caractères, de paysages et d'études dessinées d'après nature, forment les tomes l et II de ce qu'on appelle le Recueil Jullienne, ouvrage dont les tomes III et IV sont constitués par deux autres grands in-folio, reproduisant des peintures et des dessins (surtout des dessins d'ornement) du même Watteau, et distribués en 1735.
Les planches des Figures de différents caractères sont des eaux-fortes; la gravure en facsimilé, dite « en manière de crayon » ne sera mise au point que dans la seconde moitié du siècle, et, en son absence, le trait d'eau-forte était le procédé direct, expéditif et synthétique le plus convenable à la traduction de ces dessins.
Pour représenter les Figures de différents caractères, sept planches de sujets variés, dues à cinq auteurs différents par l'âge, la formation et le talent, afin de mieux montrer à quel point les collaborateurs de ce rare et précieux recueil ont su faire passer dans leurs gravures tout
« le feu et l'esprit » des originaux, comme le dit Jullienne lui-même dans son avertissement.
Deux des figures, œuvres de Jean Audran, représentent le plus ancien par l'âge des collaborateurs de l'ouvrage: ce sont celles d'un Mezzetin de profil, assis, une jambe étendue, et d'une femme de profil, assise sur une chaise.
De F. Boucher, qui a gravé près de la moitié de ces planches, on peut voir, d'une part une scène champêtre, un berger agenouillé près de sa bergère, dans un décor bocager, dont il se souviendra plus tard, et une étude d'homme couché, qui est un des personnages de
l'Ile enchantée.
Une grande étude de femme, vue en buste, assise dans un fauteuil, un profil d'homme en fraise, coiffé d'un bonnet et un profil de femme portant un bonnet de linge sont des échantillons caractéristiques de la manière de Benoit II Audran, de Laurent Cars et de Bernard Lépicié.


 Fêtes vénitiennes.
Gravé par Laurent Cars.
H. 0,438 x L. 0,345.
État terminé, avant toute lettre.
 E. Dacier et A. Vuaflart. N° 6.

Cette estampe fut mise en vente au mois de juillet 1732 (Mercure) ; Laurent Cars, dont elle est une des plus belles pièces, était alors âgé de 33 ans.
La peinture appartenait à Jullienne, qui la garda jusqu'à sa mort (1766). Elle est aujourd'hui à la Galerie nationale d'Écosse, à Édimbourg.
On s'est demandé si Watteau ne s'était pas inspiré, pour cette composition, du célèbre ballet de Danchet, musique de Campra, les Fêtes vénitiennes, représenté pour la première fois à l'Opéra le 17 juin 1710 et souvent repris par la suite. Il se peut; mais, s'il en est ainsi, la réminiscence est fort lointaine et à peine perceptible. Il ne faut pas oublier, du reste, que la plupart des tableaux de Watteau n'eurent pas de titres à l'origine: c'est seulement après la mort du maître, quand ces tableaux furent gravés, que l'on se préoccupa de leur trouver des titres pour pouvoir désigner commodément les estampes. Ces titres sont d'ordinaire fort imprécis; dans le cas contraire, comme pour Fêtes vénitiennes, pour les Champs-Élysées, par exemple, on ne saurait accepter sans réserve les indications qu'ils paraissent fournir.


 La Serinette.
A Monsieur de Vandieres, Consiller du Roy en ses Conseils, Directeur & Ordonateur général de ses Bâtiments, Jardins, Arts, Académie et Manufactures.
Gravé par Laurent Cars.
H. 0,405 x L. 0,345 (sans les traits d'encadrement).
 E. Bocher, Chardin, n° 47.

La peinture avait figuré au Salon de 1751 Sous le titre: « Une dame variant ses amusements » ; elle appartenait à M. de Vandières, le futur Marquis de Marigny.
La gravure, exposée par L. Cars au Salon de 1753, fut longuement annoncée au Mercure du mois de novembre de la même année, quatre mois après que Chardin eût fait demander par Lépicié à M. de Vandières, qui l'accorda, la permission de lui dédier l'estampe et d'y marquer que le tableau était sa propriété (lettres des
2-6 août).
L'annonce du Mercure est fort curieuse pour l'histoire de la gravure de mœurs. Elle s'ouvre par une comparaison entre Chardin et les Flamands: ceux-ci peignent « des images humiliantes pour l'humanité », tandis que Chardin, «quoique ses compositions, simples et soumises aux mœurs du temps, ne prétendent point à l'héroïque », ne fait jamais rien de laid ni de dégoûtant. Suit une description de la scène. Après quoi, vient un éloge motivé de la gravure : Cars a conservé toutes les finesses; « il aménagé non seulement celles de l'accord et des grandes parties de la peinture, mais ce qu'on appelle la couleur en terme de gravure, et pour la rendre avec vérité, il a su placer à propos et opposer les différents genres de travail. Enfin, l'estampe fait voir la blancheur de la peau d'une blonde, en opposition avec une coiffe et un mantelet de mousseline; hardiesse de la peinture que la gravure a rendue avec une justesse et une vérité qui lui étaient peut-être plus difficiles ».
On n'est pas loin de trouver qu'il y a quelque excès dans ces éloges et que cette estampe, d'ailleurs remarquable, manque précisément de la simplicité tout unie qui convient au sujet. Si bien travaillée qu'elle soit, et sans doute parce que travaillée à ce point, elle est certainement inférieure à celles de Cochin et de Lépicié.

Haut de page

Retour_page_d'accueil

ALIAMET  Jacques
ALIX Pierre Michel
AUBERT Michel
AUDRAN  Benoît II
AUDRAN  Jean
AVELINE  Pierre Alexandre
AVRIL Jean-Jacques
BALECHOU Jean-Joseph
BAQUOY  Jean Charles
BEAUVARLET  Jacques Firmin
BERVIC Jean Guillaume
BLOT  Maurice
BOISSIEU Jean-Jacques
BONNET Louis Marin
BONNEVILLE  François (De)
BOUCHER François
CARMONTELLE  Louis Garrogis (De)
CARS  Laurent
CATHELIN  Louis Jean-Jacques
CAYLUS  (Le Comte De)
CAZENAVE
CHAPONNIER Alexandre
CHAPONNIER François Philippe
CHEREAU François
CHEREAU  Jacques
CHOFFARD  Pierre Philippe
CHRÉTIEN  Gilles Louis
COCHIN  Charles Nicolas (Le Fils)
COCHIN  Charles Nicolas (Le Père)
COPIA Jacques Louis
COURTOIS  Pierre François
CREPY  Louis
DAGOTY  Jean-Baptiste André Gauthier
DARCIS  Louis
DAUDET  Robert
DAULLE Jean
DEBUCOURT  Philibert Louis
DEMARTEAU  Gilles
DENON (Le baron vivant)
DEQUEVAUVILLER  François

DESCOURTIS  Charles Melchior
DESPLACES  Louis Philippe
DREVET  Claude
DREVET  Pierre
DREVET  Pierre Imbert
DUCLOS  Antoine Jean
DUNKER Balthazar Antoine
DURET Pierre Jean
FESSARD Etienne
FICQUET  Étienne
FIESINGER  Jean Gabriel
FILLOEUL Pierre
FLIPART Jean Jacques
FRANÇOIS  Jean Charles
GAILLARD  René
GAUCHER  Charles Étienne
GILLOT  Claude
GRATELOUP Jean Baptiste (De)
GUYOT  Laurent
HELMAN Isidore Stanislas
HUQUIER Gabriel
INGOUF  François Robert (Le Jeune)
JACOB Louis
JANINET Jean François
JOULLAIN François
LA LIVE DE JULLY Ange Laurent (De)
LARMESSIN  (Nicolas III, De)
LAUNAY  Nicolas Delaunay, ou (De)
LE BAS  Jacques Philippe
LE BEAU  Pierre Adrien
LE BLON  Jean Christophe
LE CHAMPION I. A.
LE COEUR  Louis
LE MIRE  Noël
LE PRINCE  Jean Batiste
LE VASSEUR  Jean Charles
LE VEAU  Jean Jacques André
LEGOUAZ Yves Marie
LEMPEREUR  Louis Simon
LÉPICIÉ  Bernard

LIÉNARD  Jean Baptiste
LIGNEE  Charles Louis
LIOTARD  Jean-Michel
LONGUEIL  Joseph (De)
MALBESTE  Georges
MALEUVRE  Jean Pierre
MARCENAY  (De GHUY Antoine De)
MARTIN ( Le Fils)  Jean Baptiste II
MARTINI  Pierre Antoine
MASSARD  Jean
MOREAU  Jean Michel (Le Jeune)
MOYREAU  Jean
NÉE  François Denis
OUDRY  Jean Baptiste
PATAS  Jean Baptiste
PONCE  Nicolas
PRÉVOST  Benoît Louis
QUENEDEY  Edme
RAVENET  Simon François (Le Père)
REGNAULT  Nicolas-François
RIGAUD  Jacques
ROMANET  Antoine Louis
SAINT-AUBIN  Augustin (De)
SAINT AUGUSTIN  Gabriel (de)
SAINT-NON  Jean Claude Richard, Abbé (De)
SARRABAT  Isaac
SAUGRAIN  M.elle Élise
SAVART  Pierre
SCOTIN  Gérard-Jean-Baptiste II
SERGENT  Antoine François
SIMONET  Jean-Baptiste
SURUGUE  Louis (Le Père)
TARDIEU  Nicolas Henri
TARDIEU  Pierre Alexandre
THOMASSIN Henri Simon
VOYEZ  Nicolas Le Jeune
VOYSARD  Étienne Claude
WATELET  Claude Henri
WEISBRODT  Charles
WILLE  Jean Georges